Semaine 4 – Derrière les cartes postales

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Les premiers articles de ce petit blog sont plutôt très positifs, et présentent une Guyane accueillante. Pour autant, difficile de ne pas voir aussi, au fil des quelques déplacements déjà effectués, les contrastes criants qui irriguent cette magnifique région et qui touchent, voire parfois bousculent, les « métros » que nous sommes … quelques petits faits sur la situation de ce plus grand département français (surface équivalente à la région Nouvelle Aquitaine, elle-même plus grande région de la métropole) :

  • ici, tout est multiplié par deux ou presque : deux fois plus de naissances prématurées, deux fois plus d’enfants par femme (3,53 vs 1,8), taux de pauvreté approchant les 50%, …
  • la répartition de la population est extrêmement contrastée, avec plus de 90% de la population sur le littoral ; c’est aussi le département le moins densément peuplé, avec 3,6 hab/km2
  • il y a un nombre impressionnant de communautés, de nationalités et de langues : environ 80 origines différentes, 40 nationalités et plus 20 langues. Le français est certes la langue officielle, mais le créole est la langue la plus pratiquée, et les nations amérindiennes se partagent plus d’une vingtaine de dialectes. Sur le Maroni, les dialectes peuvent changer très rapidement entre chaque communauté, et même au sein d’une même communauté. Il existe une langue commune, la « langue du fleuve », qui permet quand même de se comprendre a minima et d’échanger tout au long du fleuve.
  • les durées de déplacement sont, bien sûr, sans commune mesure avec la métropole : 3h30 pour aller de Cayenne à St-Laurent, sur l’unique route principale le long de la côte. Et lorsqu’il s’agit de remonter le Maroni pour rejoindre Maripasoula, on va parler en heures de pirogues.
  • le nombre de médecins disponibles, là encore, n’est pas comparable avec la métropole : pour les spécialistes, on arrive parfois à un seul disponible sur toute la Guyane : 1 neurologue, 1 gastro-hépato, 1 ORL, 1 psychiatre, 1 gériatre, 1 gynécologue, ….

Mais surtout, au-delà des chiffres, ce qui marque c’est le contraste entre le confort (voire l’aisance parfois) de certains et la pauvreté d’autres, et ceci souvent dans la même rue : à droite, des habitations du niveau des bidonvilles de métropole des années 40, 50, et à gauche des résidences du niveau de nos villes actuelles. Et cela s’accentue au niveau de St-Laurent-du-Maroni, avec des habitations très délabrées le long de la route, et des habitants dont on voit bien qu’ils sont à niveau de sous-développement que l’on ne connait plus depuis longtemps en métropole. Et quand je dis « habitations », il s’agit de quelques tôles plus ou moins bien agencées entre elles … Ceci à 150kms de Kourou, où l’on envoie des satellites autres sondes dans l’espace ! Je vous laisse imaginer ce que cela donne à l’accueil des urgences, ou de la PASS, du CHU. (Précision : la PASS, ou Permanence d’Accès aux Soins de Santé, est la 3ème plus grande de France, après celles de Paris et de Marseille ; j’y suis passé vendredi matin, je suis sorti de là admiratif du travail accompli par les médecins, soignants et autres personnels sociaux ou administratifs …)

Difficile, dans ces conditions, de rester de marbre, sauf à être insensible à ce qui se joue là ; et loin de moi l’intention (la prétention) de pouvoir y changer grand-chose, faute déjà de comprendre pourquoi on en est là. Ceux qui sont là (ou qui viennent) depuis longtemps m’assurent que rien ne bouge, si ce n’est l’extension des bidonvilles. St-Laurent étant, à cet égard, emblématique de ces disparités et de ces contradictions. Je vais donc me « contenter » de m’efforcer d’apporter ma petite contribution professionnelle au sein du CHU, ce sera déjà pas mal. 🙂

PS : et pendant que j’écris cet article, les buses et les singes se promènent au-dessus de et dans la forêt en face de la maison …. comme un petit clin d’oeil pour me dire que, avec ou sans moi, la vie continue ici, et c’est très bien comme ça !

Cet article a 2 commentaires

  1. Hervé Hénoch

    Du coup vu la pauvreté, les démarches dématérialisées ça doit être un véritable défi pour ces personnes. Et dans la santé démat à fond … Ca doit être laborieux pour eux et pour les allophones le problème de la langue s’ajoute …

    1. Denis

      C’est tout-à-fait ça ; j’étais vendredi apm au GRADeS, et on a discuté des impératifs nationaux versus le contexte local : va faire comprendre à un énarque de la DGOS que l’indicateur de taux d’INS insérés dans ton SIH n’a pas tout-à-fait la même pertinence ici qu’en métropole …. et la PASS m’expliquait ses discussions ubuesques avec la CPAM locale, qui fait tout pour faire un maximum d’économies –> traduire en « ralentir un max les inscriptions des personnes sans couverture sociale ». La médecin responsable de la PASS devient folle de son combat contre les scribouillards de la Sécu !

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